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  • Photo du rédacteurBonneuil en Mémoires

LES INONDATIONS DE 1910


Paradoxalement, les inondations de 1910, ne sont pas même évoquées dans le document manuscrit qu’Edmond Gille, maire de Bonneuil de 1912 à 1919, consacre, de 1916 à 1919, à l’histoire de sa commune. Plus de six-cents pages et pas un mot !


Est-ce par habitude de voir la Marne prendre ses aises chaque année, avec régulièrement des inondations significatives comme en 1861, 1872, 1876, 1883, et 1897 pour les plus récentes ?

Est-ce parce que le village en lui-même n’ait pas été directement inquiété ?


Les inondations à Bonneuil

Ce cliché pris le 29 janvier 1910, montre le niveau maximum de l’inondation au pied du bourg de Bonneuil.

Nous sommes sur la route qui mène au Pont de Bonneuil. Le parc situé sous l’église Saint-Martin est à notre gauche. En face, au loin, les maisons qui bordent le quai de Bonneuil à Saint-Maur-des-Fossés.


Comme tous les villages anciens de la boucle de la Marne, les habitations sont bâties sur la hauteur et bénéficient de leur emplacement sur les contreforts du Mont-Mesly.


Bonneuil est encore une petite commune rurale où l’on recense deux-cent-vingt maisons, et sept-cent-deux habitants, principalement regroupés dans le bourg et au Petit-Bonneuil.

Environ quatre-vingt-quatre pour cent du territoire de la commune sont consacrés à l’agriculture. Deux vastes domaines en exploitent l’essentiel, aux côtés de petites exploitations et de maraîchers.


Seules quatre habitations sont atteintes par les eaux. Elles sont situées à proximité des rives de la Marne, au hameau Moulin-Bateau et à la pointe de l’île Barbière.


Dans ce contexte, la Commission des Inondations conclut qu’il n’y a pas lieu de mettre en œuvre des mesures de protection pour l’avenir, les zones d’habitation inondées n’étant pas assez importantes.


Pourtant, la Marne ne se contente pas d’envahir l’île Barbière. Elle franchit la route qui mène à Sucy-en-Brie, puis la route nationale et enfin la route qui conduit à Brévannes pour atteindre la plaine de Créteil.


Dans les zones inondées, les cultures souffrent des inondations. Elles sont gravement endommagées quand elles ne sont pas perdues. Les récoltes de blé, de seigle, d’avoine, de pommes-de-terre seront très mauvaises. Il est nécessaire de ressemer vingt-quatre hectares de blé.

Pour le reste, les autres productions agricoles seront en dessous de la moyenne.


Si la distribution d’eau potable n’est pas interrompue, l’usine à gaz de Sucy qui alimente Bonneuil interrompt la distribution du 26 janvier au 8 février. Le gaz est alors utilisé pour l’éclairage, la commune ne bénéficie pas encore de l’électricité.

Le 28 janvier, le téléphone et le télégraphe sont interrompus. Ils seront rétablis le 4 février.

Le 6 février, la boucle de la Marne est presque entièrement évacuée par les eaux.


Pour le tramway, les perturbations durent plus longtemps en raison des inondations de la Seine à Paris et en proche banlieue.

Le tramway Bonneuil-Concorde cesse son activité le 21 janvier en raison de l’arrêt de l’usine électrique d’Ivry qui alimente le réseau. Dans Paris, les voies sont inondées.

A la décrue, un service partiel Bonneuil-Pont de Charenton est assuré le vingt-trois février, mais ne peut être maintenu. Le système d’alimentation électrique des tramways est particulièrement endommagé entre la place Valhubert (gare d'Austerlitz) et le Pont de la Concorde. Après la pose, à titre exceptionnel, d’une ligne aérienne, une nouvelle tentative est effectuée le deux mars. Le service est ainsi remis progressivement en service et sera intégralement rétabli au mois d’avril.


La Marne au Pont de Bonneuil

En 1910, l’ancien chemin de halage qui borde la Marne à Saint-Maur est établi à un niveau qui ne permet pas de contenir les crues importantes.


Submergés en 1876, qui apparaissait alors comme une crue hors norme, les quais sont en moyenne recouverts de deux mètres d’eau en 1910.

Les quartiers de La Varenne, des Mûriers et de la Pie sont parmi les plus touchés.

Trois mille maisons subissent l’inondation et deux-mille-cinq-cents nécessitent d’être évacuées.

Au niveau maximum de l’inondation, l’avenue de l’Alma qui conduit au Pont de Bonneuil est submergée sur environ deux-cent-cinquante mètres par une quarantaine de centimètres d’eau.


Dans son rapport, la Commission des Inondations préconisera que le chemin de halage soit relevé jusqu’au niveau de la crue de 1876.

Cette préconisation tient compte du fait que le chemin est suffisamment large pour que les travaux soient réalisés sans dommage pour les propriétés riveraines situées à Saint-Maur et que la vaste plaine agricole de l’île Barbière, à Bonneuil, permet une expansion de la Marne.

Ainsi en cas de très forte crue, le lit de la rivière ne s’en trouve pas réduit, provoquant par contre-coup une élévation sensible du niveau de l’eau.

Pour en revenir au quartier des Mûriers, les habitants du Val de Prospérité avaient procédé à la construction d’une digue de protection en 1879. Cette opération a été menée à la suite des inondations de 1876 avec l’espoir qu’elle permettrait de contenir la Marne.

La "Digue des Mûriers" couvre une longueur de sept-cents mètres depuis le pont du chemin-de-fer et en aval de celui-ci.

Construite à partir de matériaux prélevés sur la basse berge elle offrait l’avantage d’élargir le lit de la Marne.

Cependant, dès 1879, le Préfet de la Seine précise dans un courrier adressé à l’un des propriétaires de l’Île-Barbière, à Bonneuil, que la digue reste submersible par les hautes eaux et dès 1883 elle se révèle insuffisante.

De nouveaux travaux sont alors engagés, et en 1885 la commune de Saint-Maur décide de mettre en état les quais et de relever le niveau général des berges.

En 1910, ces travaux s’avèrent être une nouvelle fois insuffisants.


Le photographe est installé sur le Pont de Bonneuil. La zone portuaire actuelle.


La Marne au pont du chemin-de-fer


Le photographe est installé sur la voie de chemin-de-fer, côté Saint-Maur. En face, la zone portuaire actuelle.




Le photographe est installé sur la voie de chemin-de-fer, côté Bonneuil.

Le photographe est installé sur la voie de chemin-de-fer, côté Bonneuil. Le peuplier isolé marque la limite de Bonneuil.

Le photographe est installé sur la voie de chemin-de-fer, côté Bonneuil. La zone portuaire actuelle et à droite le hameau du Moulin-Bateau.


La Marne au Moulin de Bonneuil


A l’origine du hameau du Moulin-Bateau il y a un moulin plusieurs fois reconstruit, et installé provisoirement sur un bateau, peu avant la Révolution. Le "moulin à bateau" donne son nom au hameau.


Son exploitation rendue difficile à la suite de la construction du barrage de Joinville en 1821, devient aléatoire à la suite de la construction du barrage de La Pie en 1834. Ainsi en 1839, son propriétaire explique que le Moulin de Bonneuil a perdu la plus grande partie de sa valeur et qu’il doit en arrêter l’exploitation plusieurs heures chaque jour en période de fortes eaux car la Marne refoule jusqu’au niveau du Moulin.

Afin de palier à cette baisse d’activité, le meunier, Victor Martin, cherche des revenus de complément et accueille volontiers les promeneurs à qui il offre de déguster sa cuisine.


Le Moulin de Bonneuil, devient peu à peu un lieu de promenade réputé. Les familles André et Martin exploitent le restaurant, louent des chambres, construisent et louent des bateaux.

La construction du nouveau barrage de Joinville de 1867 à 1869 accentue les difficultés rencontrées dans l’utilisation du Moulin en réduisant considérablement le niveau de l’eau dans la boucle de la Marne.


Au décès de Victor Martin en 1878, sa famille échoue le moulin sur la rive de Saint-Maur et y établit le restaurant du Martin-Pêcheur.


La famille André reprend seule, l’exploitation du Moulin de Bonneuil. Par la suite plusieurs exploitants se succèdent et en 1910 c’est la famille Galerme qui gère l’établissement.

En 1870, un industriel alsacien installé à Paris, Auguste Gross, acquiert le domaine du Moulin-Bateau et établit son domicile dans la maison de maître situé à proximité du moulin. Décédé en 1909, il ne verra pas les dommages causés par l’inondation.

Une troisième famille réside au Moulin-Bateau. Il s’agit de la famille du gardien de la propriété Gross.


Trois des quatre maisons touchées par les inondations sur le territoire de Bonneuil en 1910 sont siutées au Moulin-Bateau.



La Marne au Bras du Chapitre


Au pied de la côte du Rû, également dénommée côte de Rheims ou côte de Bellevue, le Morbras fixe la limite entre Bonneuil et Créteil avant de se jeter dans le Bras du Chapitre.

Depuis 1886, les propriétaires du domaine du Rancy, à Bonneuil, procèdent à la vente des terres qui précèdent l’avant parc entre la route nationale et le Morbras.

Les premières maisons apparaissent.

Depuis 1883, un débit de boisson accueille les promeneurs à l’extrémité de l’île Barbière. Situé sur la rive de Marne, il est d’autant plus fréquenté qu’il y existe un "passage d’eau" qui relie Bonneuil à Saint-Maur, à une époque où la passerelle de la Pie n’existe pas encore.


Repris par la famille Noël, il devient "l’Arche de Noël". En 1910, il est exploité par la famille Husson qui y réside.

Leur habitation, est l’une des quatre maisons touchées par les inondations sur le territoire de la commune de Bonneuil.



A Créteil, les inondations touchent deux-cent-soixante-sept maisons et deux-cents nécessitent d’être évacuées.

Le gaz est indisponible du vingt-quatre janvier au vingt-huit février et l’électricité du vingt-quatre janvier au quinze février.

Malgré tout, la Commission des Inondations conclue, de même qu’à Bonneuil, qu’il n’y a pas lieu de mettre en œuvre des mesures de protection pour l’avenir, les zones d’habitation inondées n’étant pas assez importantes!

La Maison Willème est installée quai de la Pie au niveau de la passerelle. Au second plan, à droite, la plaine de Bonneuil, actuelle zone portuaire.


Qu'est-ce qu'une inondation ?


L'inondation est une submersion, rapide ou lente, d'une zone habituellement hors d'eau. Le risque d'inondation est la conséquence de deux composantes : l'eau qui peut sortir de son lit habituel d'écoulement et l'homme qui s'installe dans l'espace alluvial pour y implanter toutes sortes de constructions, d'équipements et d'activités. En temps normal, la rivière s'écoule dans son lit mineur.

Pour les petites crues, l'inondation s'étend dans le lit moyen et submerge les terres bordant la rivière. Lors des grandes crues, la rivière occupe la totalité de son lit majeur.

Lorsque le sol est saturé d'eau, la nappe phréatique affleure et inonde les terrains bas.


Qu'est-ce qu'une crue ?


La crue correspond à la montée des eaux d'un cours d'eau.

Il existe des crues lentes, liées notamment aux périodes de pluie ou à la fonte des neiges.

Il existe des crues rapides qui interviennent après des pluies soudaines et abondantes ou d'orages violents.


Pourquoi les inondations sont-elles intervenues, en 1910 ?


L’automne 1909, est particulièrement pluvieux. Les quantités observées sont parfois égales à deux fois les normales de saison en septembre et octobre.

Après une accalmie en novembre, il pleut pratiquement tout le mois de décembre. Les sols sont saturés.

Dans son recueil de souvenirs, Edouard Bled décrit très bien la situation dans la boucle de la Marne :

" … En cette fin d’automne 1909, il ne cessait de pleuvoir sur tout le bassin parisien. La terre gorgée d’eau la refusait. Nos rues étaient transformées en lacs et rivières. … Nous ne pouvions plus jouer au ballon avec monsieur Gobin, instituteur à La Varenne, tant le terrain était boueux. … "

En janvier 1910, les pluies reprennent le neuf, provoquant une crue du Grand-Morin qui est un affluent de la Marne. La Marne réagit plus lentement, mais inexorablement. La montée des eaux est observée le 21 à Saint-Dizier, puis le 26 à Meaux.

Concomitamment, une nouvelle période pluvieuse intervient du 18 au 21 provoquant une nouvelle crue du Grand-Morin qui monte d’un mètre soixante-quatorze en trois jours à Pommeuse.

Les conséquences de la crue de la Marne et du Morin sont attendues à Paris pour le Vingt-huit.


Parallèlement, le bassin de la Seine est également en crue, particulièrement l’Yonne et le Loing.

Les deux phénomènes convergent sur Paris à la même période provoquant une montée des eaux de plus six mètres au Pont d’Austerlitz le 28 janvier.

La décrue s’amorce dès le 29 janvier, mais la Seine ne retrouve son niveau habituel que le 16 mars, de nouvelles périodes pluvieuses provoquant une remontée des eaux à deux reprises.


Et demain ?

Dans le cadre du plan de préventions des risques, les aléa liés aux inondations sont évalués.

Comme par le passé, les zones résidentielles de Bonneuil sont à l'abri.


Cette carte, permet d'apprécier l'étendu des zones inondables et l'écart entre le niveau moyen habituel de la Marne et les crues de 1910 et 1924.


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